Les pays riches ont réussi un hold up sur la nature
Bernard Maris - France Inter | Jeudi 10 Décembre 2009
Chaque Indien pollue 20 fois moins qu'un Américain (dalbera - Flickr - cc)
Vous ne feriez pas combattre un poids lourd avec un poids mouche, n’est-ce-pas ? Malheureusement,
en économie, il y a des Etats poids lourds et des Etats poids plume.
Comme souvent, les plus forts décident pour les plus faibles. Exemple,
le niveau de pollution. Pendant des siècles, les pays occidentaux ont
décidé que l’air que l’on respire leur appartenait, et qu’elles
pouvaient se l’approprier en toute impunité. Aujourd’hui, ces mêmes
pays, décident que l’air doit être protégé. Ils fixent un niveau
d’émission de gaz à effet de serre.
Seulement, ils ne le fixent
pas en fonction du niveau de la pollution des Africains ou des Indiens.
Un Américain du nord émet six tonnes de Co2 par habitant. Un habitant
de l’Inde, vingt fois moins, soit 300 kilos environ. Supposons
que tous les pays décident de réduire leurs émissions de 80% par
rapport à 1990 à l’horizon 2050 (ce qui serait un magnifique accord),
en 2050, les Indiens émettraient toujours 20 fois moins que les
Américains. Ce qui est un peu injuste. Comme le dit le grand
économiste Roger Guesnerie, titulaire de la chaire de Théorie
économique au Collège de France, c’est « entériner le hold up passé des pays riches sur la nature ».
Que
répondre ? En vérité, il faudrait donner des quotas de pollution à
chaque humain de la planète, comme on pourrait leur donner des quotas
d’eau à consommer ou polluer. Chaque Français devrait avoir le
même quota de pollution que chaque habitant du Sénégal. C’est faire
l’hypothèse que chaque humain en vaut un autre, et doit avoir
la même empreinte écologique. Après, libre à l’habitant du Sénégal qui
n’a pas de voiture de vendre ses droits à polluer à l’habitant de Paris
qui possède un 4x4. Mais ce n’est pas l’opinion de Larry Summers.
Larry
Summers, le chef des conseillers économiques de la Maison Blanche,
pense, pensait pour être exact, quand il était Chef Economiste de la
Banque mondiale, que la vie d’un homme du sud ne valait pas la vie d’un
homme du Nord. En effet, comment mesurer la valeur de la vie ? Par le revenu d’un individu, tout simplement ! Sachant
qu’un homme du Nord gagne beaucoup plus qu’un homme du Sud, il est
juste que les pays du Nord envoient leurs déchets dans les pays du Sud,
car, en économisant une vie du Nord, et en supprimant une vie du Sud,
l’Humanité (avec un grand H) dans son Ensemble (avec un grand E) a
gagné au change.
Conclusion ? Le sommet de Copenhague pose la
question de l’humanité en des termes extra économiques, hors coût, hors
revenu. Si un humain du Sud égale un humain du Nord, leur empreinte
doit être identique !
La phrase : « J’aime des natures tempérées et moyennes. » Montaigne, de la modération. De la modération !
Source: MARIANNE2